De quoi une endométriose a besoin pour se développer ? 

Une explication avec le regard de la théorie du fromage suisse.

Avant-propos

Aujourd’hui, j’aimerais vous aider à mieux comprendre comment le flux rétrograde menstruel peut effectivement contribuer à faire développer une endométriose, même si cette théorie a été très critiquée. Voici quelques éléments de compréhension evidence-based pour comprendre comment le flux rétrograde peut jouer un rôle non-négligeable dans le développement de certaines formes endométrioses.
L’exemple qui va être illustré ici doit être considéré comme un cas de figure fréquent et en même temps un exemple non-généralisable à toutes les personnes souffrant d’endométriose.

Le flux rétrograde menstruel peut-il causer une endométriose ?

Qui a découvert l’endométriose ?

L’endométriose est une très vieille maladie. Elle a été observée déjà à l’époque de l’Égypte ancienne, où un papyrus faisait état de douleur cyclique et inflammatoire chez des femmes. Il a fallu attendre 1860 pour que le chirurgien Karl Freiherr von Rokitanksy décrive les symptômes de la maladie. Enfin, 60 ans plus tard, le Dr Thomas Stephen Cullen décrivit avec plus de détails la maladie, ses symptômes, le type de pathologie et les premiers traitements de l’endométriose profonde. 

En 1922, le Dr John Sampson expose sa théorie du reflux. Elle reste actuellement la théorie la plus mise en avant (surtout dans les médias traditionnels) pour expliquer le développement d’une endométriose.

Qu’est-ce que la théorie du reflux menstruel ? 

Basiquement, la théorie du reflux explique le développement d’une endométriose par une fuite du sang menstruel pendant les règles par les trompes de Fallope. Des cellules endométriales, (qui proviennent de l’endomètre, un tissu qui tapisse l’intérieur de l’utérus de chaque femme), viendraient ainsi s’implanter et se développer au niveau de l’abdomen. Ce tissu étant sensible à certaines hormones, il se développerait chaque mois grâce au cycle menstruel. Au moment des règles, le sang ne pourrait pas s’évacuer et il irait s’implanter ailleurs dans le pelvis, permettant ainsi le développement de la maladie.  

Pourquoi cette théorie est-elle critiquée ? 

Cette théorie est largement insuffisante pour expliquer le développement de toutes les endométrioses. Premièrement, parce que l’endométriose est définie par des cellules semblables à celui de l’endomètre naturellement présent dans l’utérus (mais pas identique!).

Ensuite, parce que 90% des femmes ont des flux rétrogrades pendant leurs règles mais que seules 10% vont développer l’endométriose.

Finalement, parce que cette théorie n’arrive pas expliquer les quelques cas d’endométriose retrouvées chez des filles prépubères, des hommes ou en encore les cas d’endométriose sur des organes éloignés du ventre comme le coeur et le cerveau par exemple. 

Comment se développe une endométriose ? 

Aujourd’hui, il est largement admis dans la communauté scientifique que le développement de l’endométriose est multimodal. J’ai déjà consacré un article qui parle entre autres des différentes théories explicatives du développement d’une endométriose. Vous pouvez le retrouver ici

Je vais me permettre dans les prochaines lignes de vous présenter comment le flux rétrograde va effectivement jouer son rôle dans le développement de certaine endométriose grâce à la théorie du fromage suisse

 

La théorie du fromage suisse 

sLa théorie du fromage suisse (probablement un emmental si vous voulez mon avis), est utilisée en gestion des risques. Elle a été développée par Dante Orlandella et James T. Reason à la fin des années 80. Elle permet d’illustrer comment une succession d’événements peut mener à un incident déplorable. 

La principe étant que, lorsque l’on dispose plusieurs tranches de fromage l’une en face de l’autre, si dans chaque tranche de fromage, un trou est aligné avec un trou des autres tranches, alors la catastrophe peut arriver. Mais si on arrive à avoir une tranche de fromage dont les trous (fragilités) ne s’alignent pas avec celles des autres, alors on peut interrompre le phénomène et protéger. Il faut donc une succession de hasards et/ou facteurs de risque pour que le pire puisse se produire.

 

Je me suis dit que cette théorie était parfaite pour vous illustrer comment le fait d’avoir un flux rétrograde peut être effectivement le premier trou d’une première tranche de fromage.
Nous savons aujourd’hui que les cellules endométriales endogènes, c’est-à-dire propre à l’utérus d’une femme, ont la capacité de s’implanter dans un nouveau tissu, mais uniquement lorsqu’il y a un terrain inflammatoire. L’endomètre est lui-même naturellement un tissu conçu pour encourager la croissance. Il permet le phénomène de nidation au commencement d’une grossesse. 

Nous savons également aujourd’hui que chez les femmes atteinte d’endométriose, il y a un échec du système immunitaire à nettoyer les foyers d’endométriose car il ne les identifient pas bien comme problématique. La recherche a mis en évidence des difficulté avec l’anti-PD-1 et les inhibiteurs TET lors de l’identification du problème de l’endo par le système immunitaire. 

Enfin, pour réussir à créer une endométriose bien douloureuse, j’ai rajouté ici comme tranche de fromage supplémentaire l’effet du stress (présent ou passé, psychologique et physique) sur le développement de la maladie, l’infertilité et l’intensité des douleurs ressenties. Car même s’il est maltraitant de sous-entendre que les femmes souffrant de l’endométriose doivent se soulager principalement en psychothérapie, la recherche a quand même mis en évidence que le stress est une cause et une conséquence de l’endométriose. La cause serait amené par une perturbation psycho-neuro-endocrino-immunologique. De plus, le stress contribue à augmenter l’intensité des douleurs et le terrain inflammatoire. Il y a également tant d’autres choses qui vient de jouer entre le stress et la maladie mais j’écrirais un autre article bientôt à ce sujet. Toutefois, pour faire simple, il amène un cercle vicieux.
La prise en charge doit toujours être d’abord médical. Et quand la base est bonne, alors oui, être accompagné à travers une prise en charge psychologique peut protéger, prévenir et permettre de récupérer de la maladie et de ses effets délétères sur le corps et l’esprit.

 

En conclusion

J’espère que cette petite illustration permettra de mieux comprendre comment certaines endométrioses se développent. Bien entendu, il serait possible également de rajouter ou d’échanger d’autres tranches de fromage dans cet exemple, comme celui des perturbateurs endocriniens pour ne citer qu’eux. Il me fallait faire des choix pour rendre le schéma digeste.

Ce qui est certains, c’est que certaines endométrioses se développent en l’absence du flux rétrograde, alors que d’autres oui, et qu’on ne peut faire que des suppositions de causalité pour chaque cas de figure car il existe actuellement aucun appareil ni analyse pour « prouver » les causes de développement d’une endométriose pour chaque femmes. Et je ne suis même pas sûre que cet appareil puisse un jour exister tant nous devrions être entièrement monitorée depuis notre naissance.

Il n’y a pas une endométriose mais des endométrioses. Et chaque situation est unique et doit être pris en considération dans une prise en charge pluridisciplinaire et avec une vision systémique

Ce qui est sûr, c’est que prendre soin de vous et oser demander de l’aide jusqu’à trouver des personnes passionnées et compétentes, ça sera toujours une bonne idée pour aller mieux. 

 

Sources

Benagiano, G., Brosens, I., & Lippi, D. (2014). The history of endometriosis. Gynecologic and obstetric investigation, 78(1), 1-9.
https://doi.org/10.1159/000358919 

Endometriosis.org. (2011) Global forum for news and information. Repéré à http://endometriosis.org/endometriosis/causes/ 

Gallard, F., Comby, F., & Desmoulière, A. (2014). Quelle prise en charge pour l’endométriose?. Actualités pharmaceutiques, 53(538), 20-26.
https://doi.org/10.1016/j.actpha.2014.06.005 

Leroy A, et al. Psychologie et sexologie : une approche essentielle, du diagnostic à la prise en charge globale de l’endométriose. Gynécologie Obstétrique & Fertilité (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2016.03.017

Qui suis-je ?

Je m’appelle Corine Redondo et je suis, entre autre, psychologue spécialisée en santé gynécologique.

Je m’appuie sur des techniques psychocorporelles et sur le lien corps-esprit pour vous aider à mieux vivre dans votre corps et avec celui-ci.